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Article de presse - Le Parisien (5)

 

Xavier Darcos envisage la visioconférence comme outil d’apprentissage de l’anglais

 

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FACE AUX LECTEURS.

« On pourrait envisager de supprimer les cours le samedi »

lundi 03 septembre 2007 | Le Parisien

SIEGE DE NOTRE JOURNAL (SAINT-OUEN), VENDREDIZOOM 

 

Calendrier scolaire, redoublement, service minimum à l’école, suppression de 11 200 postes : à la veille de la rentrée des douze millions d’élèves, le ministre de l’Education nationale, Xavier Darcos, répond à tout.

 

Des rentrées, Xavier Darcos, qui accompagne aujourd’hui celle des profs d’un collège de Roubaix (Nord), en a vu d’autres.Mais c’est sa première aux commandes du gros navire de l’Education nationale... et d’une année scolaire chargée. Son cartable est alourdi par l’annonce de la suppression de 11 200 postes pour 2008 et le coup de froid qu’elle a jeté chez les profs. Il va néanmoins devoir faire avancer les réformes - dont la revalorisation globale du métier d’enseignant - promises par un président de la République sur tous les fronts (Nicolas Sarkozy sera dans une école demain à Blois) et initier les changements que lui-même souhaite pour « mettre de l’huile » dans un système éducatif critiqué de toutes parts.

 

Quand il débarque dans les locaux du « Parisien » et d’« Aujourd’hui en France » vendredi, peu avant 11 heures, certains de nos huit lecteurs ne mettent même pas un visage sur son nom. « Pas une mouche ne vole. Il est un peu raide », murmure Valérie, 39 ans. Juste après la photo de classe, solennelle, s’installant à la grande table, le ministre semble d’abord ne pas en mener plus large que ses interviewers. « J’ai un peu l’impression de passer un examen...mais je suis heureux d’être là », sourit-il, retrouvant l’assurance de l’homme politique.Question d’habitude. Le « petit-fils de paysan illettré » qui a gravi les échelons de l’Education nationale (il a été ministre de l’Enseignement scolaire en 2002-2004) sait capter un auditoire. L’ancien prof de lettres du prestigieux lycée Louis-le-Grand répond aux questions sans un regard sur ses deux petites pages de notes. Comme s’il faisait cours et parfois en tirades un peu longues. « Il n’y a pas d’idées simples sur l’éducation. Je voudrais tellement sortir des clichés », justifie-t-il. Au fil de l’heure et demie d’entretien, l’ambiance se décrispe, poussant le ministre presque au lyrisme quand il lance : « L’aventure scolaire, ce n’est pas remplir un vase, c’est allumer un feu, créer du désir. » Il sait aussi qu’il lui faut cajoler des profs exaspérés : « Ils font le métier le plus utile du monde. Je sais bien que l’immense majorité d’entre eux ne vote pas pour moi et font la gueule quand ils me voient. N’empêche...je les aime. S’ils ne sont pas là, tout explose. Alors, soyons tous derrière eux. »

 

RAJA YAGOUBI. Des élèves sont déjà rentrés la semaine dernière, d’autres le font aujourd’hui ou demain. Ne devrait-on pas harmoniser le calendrier scolaire ?

 

Xavier Darcos.

S’il y a cet étalement, par exemple dû à la semaine de quatre jours, c’est que les parents l’ont demandé. Mais je constate, comme vous, qu’il y a un peu trop de disparités. Dans une même famille, il peut y avoir des enfants qui rentrent à des dates différentes. Sans être un sujet prioritaire, il y a parfois de l’agacement chez les parents. Je suis en effet partisan d’une meilleure harmonisation du calendrier.

 

Vous avez des pistes ?

 

Je voudrais qu’on repose la question du samedi matin. Je n’ai pas de solution miracle, il faut examiner le problème et ça ne pourra pas être réglé en deux jours. A Paris par exemple, dans les écoles, la règle est d’avoir cours un samedi sur deux. Ce n’est pas forcément idéal pour la vie familiale, pour les inscriptions aux sports et les autres activités. On pourrait donc envisager de supprimer les cours le samedi matin. Je viens d’en discuter avec le maire de Paris, Bertrand Delanoë. Mais en même temps, il ne faut pas que les enfants dont les familles ne partent pas en week-end soient livrés à eux-mêmes. On pourrait imaginer que les écoles restent ouvertes et qu’on puisse proposer, en lien avec la ville, des activités sportives et d’éveil.

 

NATHALIE CORBI. Il y a aussi le problème de la fin de l’année. Ma fille a fini le collège l’an dernier dès le 12 juin. Comment garantir que les cours s’arrêtent au terme officiel de l’année scolaire ?

 

Dans énormément d’établissements centres d’examens, et pas seulement les lycées, les élèves perdent un mois de cours, les conseils de classe sont organisés de plus en plus tôt, dès fin mai. C’est une situation injuste pour les élèves mais aussi pour les professeurs, à qui on demande l’impossible : boucler les programmes en neuf mois au lieu de dix. Ce mois de juin non travaillé équivaut sur l’année à trois heures de cours en moins par semaine !

 

« On peut imaginer que le bac soit organisé ailleurs que dans les établissements : dans des universités, des gymnases, des centres d’examen »

 

Que comptez-vous faire ?

 

J’ai décidé d’avancer très vite sur ce sujet. Je veux être le ministre qui mettra fin à cette absurdité de notre système. Dès cette année, nous allons expérimenter, dans une académie ou deux, une fin d’année normale, au 3 juillet, avant de le généraliser à la rentrée prochaine. Je demanderai aux proviseurs de programmer les conseils de classe à la fin réelle de l’année scolaire. Cela suppose qu’on puisse organiser les baccalauréats ailleurs que dans les établissements. On me dit que c’est impossible, mais on peut imaginer qu’ils se déroulent dans des universités, des gymnases, des centres d’examens... On doit trouver des solutions. Et notamment pour la surveillance, qui peut être assurée par d’autres agents que les professeurs, dont ce n’est pas le métier. Nous demanderons aux enseignants, sur la base du volontariat, de corriger les copies en dehors de leurs heures de cours. Et la rémunération de la correction devra être plus élevée qu’elle ne l’est actuellement.

 

FABIENNE PICON. Quelles mesures prendrez-vous concrètement pour que tous les enfants sortant de l’école primaire sachent lire ?

 

Je ne nie pas les difficultés auxquelles le primaire est confronté. On sait que 15 % des écoliers ont de très grandes lacunes ; 25 % ont des difficultés plus ou moins grandes ; 60 % n’ont aucun problème. Cette répartition, on la retrouve tout au long du parcours scolaire. Ne faisons donc pas porter tout le chapeau au primaire. Ni à l’école, à qui on demande ce que la société ne fait pas. Pour remédier aux difficultés d’un élève, il faut des exercices plus individualisés, un travail personnalisé. D’ici à quinze jours, nous allons nous pencher sur les questions pédagogiques, et on va commencer à revoir comment fonctionne l’école maternelle. J’ai demandé au linguiste Alain Bentolila de coordonner un travail d’experts sur ce sujet. Nous examinerons ensuite chaque niveau et tenterons de trouver des solutions aux difficultés des élèves.

 

« En 2009, les études surveillées toucheront 8 millions d’élèves »

 

JEAN-PIERRE TAIEB. L’apprentissage des langues étrangères est essentiel. Comptez-vous instaurer dès l’école primaire des cours de langues donnés par des professeurs compétents ?

 

A compter de cette rentrée, l’apprentissage d’une langue étrangère commence en CE1. C’est vrai, nous avons du retard dans ce domaine. On a trop longtemps considéré que bien parler français était suffisant parce que notre langue était dominante, mais cela a changé. Il faut également que l’enseignement précoce des langues s’accompagne d’une pratique orale renforcée. Pourquoi pas, comme cela se fait dans une école d’Elancourt (Yvelines), organiser des visioconférences à heure fixe pour dialoguer avec un professeur ou un groupe d’enfants qui se trouvent en Angleterre ? Il faut admettre que la langue dont tout le monde a besoin, c’est l’anglais, et qu’on mette le paquet là-dessus. Je présenterai mon projet sur ce sujet à l’automne.

 

VALÉRIE CLERQUI. Beaucoup de parents ne peuvent pas venir chercher leurs enfants à la sortie des classes, et vous parlez beaucoup de développer l’aide aux devoirs. Qu’en est-il exactement ?

C’est la mission essentielle que m’a confiée le président de la République : m’occuper de ceux qu’il appelle les « orphelins de 16 heures ». Selon les statistiques internationales, le critère premier de la réussite, c’est d’être dans une famille dont la maman a fait des études et s’occupe de vous. A cette rentrée, des études surveillées sont mises en place dans les 1 119 collèges d’éducation prioritaire, ce qui représente plus de 20 % de tous les collégiens de France. Ils auront, quatre jours par semaine, deux heures d’étude avec soutien, sorties culturelles, sports, données par des professeurs payés en heures supplémentaires ou des aides-éducateurs ou des animateurs. On leur apportera ce que d’autres trouvent dans les organismes privés. Dans un an, tous les collèges seront concernés et, en 2009, toutes les écoles : nous finirons par toucher 8 millions d’élèves.

 

« Généraliser le principe du redoublement, c’est une mauvaise tactique »

 

JEAN-PIERRE TAIEB. J’ai fait appel contre le redoublement proposé pour ma fille - demande d’ailleurs rejetée - mais je me demande si ce pouvoir des parents de faire appel de la décision du conseil de classe est bien nécessaire. Est-ce bon pour le niveau des enfants ? Je ne vais pas vous cacher que je crois très peu à l’efficacité du redoublement. Dans les pays où le système éducatif est efficace, en Finlande par exemple, le redoublement n’existe pas. Je ne dis pas qu’il ne faille jamais redoubler, notamment lorsqu’un enfant est touché par un deuil, un choc très grave, une maladie, mais généraliser ce principe est une mauvaise tactique. Si le redoublement est présenté comme une punition, je pense que ça peut même avoir des effets nocifs. Il vaut bien mieux remédier aux problèmes des élèves à mesure qu’ils apparaissent plutôt que de recommencer en bloc l’intégralité de l’année scolaire.

 

FABIENNE PICON. Le sujet des classes de niveau semble être un sujet tabou pour l’Education nationale. N’est-ce pas une solution pour permettre aux élèves de ne pas subir la honte du redoublement ou, pour les plus curieux, d’avancer plus vite ?

 

Ce n’est pas tabou. Cela suppose juste une immense souplesse du dispositif, repérer les élèves, mettre en place des groupes, trouver des professeurs volontaires. Je suis favorable à ces groupes de niveau, qui demandent beaucoup d’investissement de la part des enseignants. C’est pourquoi je pense qu’il faut plus d’autonomie dans les établissements. Même si je vais avoir des syndicats contre moi...

 

« 11 200 postes, c’est un peu moins de 0,8 % de nos fonctionnaires »

 

GUILLAUME PEPIN. Vous avez annoncé la suppression de 11 200 postes d’enseignants. Depuis que je vous écoute, vous souhaitez renforcer l’aide aux devoirs, les cours de langue... J’ai du mal à concevoir qu’avec moins de moyens on pourra faire plus de choses.

 

Distinguez moyens et postes. Il n’y a pas moins de moyens, il y a moins de fonctionnaires, ce qui n’est pas tout à fait pareil. Nous consacrons dès cette année 140 millions d’euros aux études dirigées. Mais revenons aux postes : 11 200 postes, c’est un peu moins de 0,8 % de nos fonctionnaires. On peut quand même s’adapter à cette situation ! Nous avons des marges de manœuvre, la Cour des comptes a évalué il y a trois ans à 32 000 le nombre de personnes que nous payons et qui ne voient jamais d’élèves. C’est l’équivalent d’une académie. N’oublions pas aussi que nous avons été élus pour sortir l’Etat de la situation où il se trouve, de réduire notre dette.

 

BRAHIM REJICHI. Mais avec ces suppressions de postes, y aura-t-il autant d’options pour les élèves ?

 

Nous devons permettre aux professeurs de travailler différemment ! Leur emploi du temps devra être plus souple, qu’ils soient peut-être plus présents aussi. Que signifie aujourd’hui, pour un enseignant, avoir une obligation de service de quinze ou dix-huit heures par semaine ? Je ne dis pas comme Mme Royal qu’il doit faire trente-cinq heures dans l’établissement, mais qu’on doit pouvoir lui donner les moyens d’y rester, s’il le souhaite, pour discuter avec ses élèves, rencontrer les familles, se concerter avec ses collègues. D’ailleurs beaucoup le font déjà.

 

« Je suis déterminé à faire le service minimum à l’école »

 

RAJA YAGOUBI. J’ai été confrontée à de multiples absences de l’institutrice de ma fille en maternelle. Comment mieux remplacer les profs ?

 

Normalement, notre système fonctionne mais, depuis trois ans, nous avons une petite dérive qui a une explication. Il faut bien reconnaître que la féminisation massive du corps enseignant entraîne des phénomènes nouveaux. Nous avons 82 % de femmes dans le premier degré, et elles sont jeunes. Nous avons donc une montée en puissance des congés de maternité. Rien que dans les Landes, l’an dernier, nous avons eu 80 congés maternité entre le 15 avril et le 30 septembre, il a fallu trouver 80 enseignants.

 

C’est plus les moyens financiers que vous n’avez pas ?

 

Non. Aujourd’hui, nous rémunérons au total plus de 40 000 professeurs remplaçants. C’est un potentiel d’enseignement important. Ce n’est pas une question de moyens, c’est une question d’organisation. 

 

GUILLAUME PEPIN. En tant que parents, on a tous été obligés de prendre des jours de congé ou des RTT pour faire face aux grèves d’enseignants. Où en est l’idée d’un service minimum à l’école ?

 

Cette question concernera à un moment ou à un autre les enseignants puisque ce sont des fonctionnaires. Le service minimum à l’école, ce ne sera évidemment pas la garantie que le cours de français sera maintenu le matin et celui d’histoire-géo l’après-midi. Ce dont je veux parler avec les syndicats, qui en sont d’ailleurs d’accord, c’est de prévoir l’accueil des élèves, au moins jusqu’au collège, les jours de grève. Il faut institutionnaliser ce service minimum. Je suis bien déterminé à le faire.

 

ALAIN BLEVIN. Allez-vous prendre une circulaire pour restaurer l’autorité des profs, par exemple en obligeant les élèves à se lever au début des cours ou à utiliser le vouvoiement ?

 

J’ai pris une circulaire dans les années 2002-2004 contre la violence scolaire. Mais je peux faire toutes les circulaires que je veux, si on n’est pas d’accord sur un état d’esprit qu’il faut imposer, ça ne sert à rien. Les professeurs, je le répète, ont bien tort de se laisser tutoyer. Si vous commencez à accepter qu’on vous tutoie, qu’on vous bouscule, d’être copain, quand est-ce que vous retrouvez votre autorité ? Est-ce que ça nous vient à l’idée de tutoyer un policier ou un magistrat ? Non, et pourtant c’est la même fonction. Si je sens que ce principe est malmené, je n’hésiterai pas à prendre une circulaire.

 

BRAHIM REJICHI. Moi je suis surpris que mon fils de 5 ans tutoie sa maîtresse...

 

Ce qui compte, c’est ce qui marche. Pour les tout-petits, qui ne connaissent guère le vouvoiement, si le rapport à la maîtresse est plus affectif, le tutoiement ne me choque pas. Mais au collège, il faut arrêter.

 

FABIENNE PICON. Je crois que votre petit dernier entre en CE1. Est-il dans le privé ou dans le public ?

 

Il est à l’école publique de mon quartier, derrière le ministère, dans le VII e arrondissement. Comme tous les autres petits, il est très angoissé à l’idée de rentrer, d’autant que quelqu’un lui a déjà dit : « Il paraît que tu es le fils du ministre. » Ça ne l’a pas rassuré…

 

Publié le : 03 septembre 2007

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